MAROC : MOUVEMENT 20 FEVRIER ET LA GAUCHE RADICALE

Par : AMIN NASSER La gauche radicale est confrontée à un défi qui pose d’une manière explicite le sens de son combat et existence p...

Par : AMIN NASSER
La gauche radicale est confrontée à un défi qui pose d’une manière explicite le sens de son combat et existence politique. Voilà plusieurs mois que de larges mobilisations populaires existent, sous des formes diverses, pour l’exigence de la fin du despotisme et de l’injustice sociale. Le M20F en est le moteur essentiel. Pour autant, la contestation, si elle a pu s’installer sur la durée, ne réussit pas à franchir un seuil qualitatif et à transformer en profondeur les rapports de forces : Le pouvoir mène habillement une guerre d’usure. Il cherche à canaliser le périmètre social et politique de la contestation et à avorter tout processus d’enracinement et de radicalisation de la lutte. Il a pu ainsi neutraliser le front syndical et associer la majorité des courants démocratiques réformistes et libéraux au comité de suivi des réformes constitutionnelles. En réalité son agenda est clair : légitimer par le referendum et les urnes le pouvoir absolu sous un nouveau vernis démocratique. Des tentatives de neutralisation de l’intérieur à la répression, il s’agit d’éviter que la prochaine constitution octroyée soit publiquement et massivement contestée. Les conditions régionales marquées par des guerres ouvertes des dictatures contre leur peuples, les difficultés du processus révolutionnaire en Egypte et en Tunisie, le soutien de l’impérialisme « aux reformes » lui assurent un contexte plus favorable pour réajuster ses formes de domination y compris en élevant le niveau de confrontation. Dans tous les cas de figures, le pouvoir se prépare activement à un affrontement central dont les épisodes du 22 et 29 Mai ne sont que les prémisses.  Les mobilisations populaires depuis le mois de Février représentent un tournant dans la situation. Il ne s’agit pas d’un mouvement conjoncturel. Pour autant, on voit bien que de larges fractions des classes populaires, ne participent pas activement à la contestation. Le M20F, à cette étape et sous sa forme actuelle, n’a pas réussi à développer la mobilisation à un niveau supérieur. Or tout l’enjeu dans les semaines à venir est bien de gagner cette masse hésitante, tentée par le repli, qui ne se reconnait pas pour diverses raisons dans la contestation actuelle ou qui n’a pas dépassé la peur. Le pouvoir met d’ailleurs toute son énergie pour maintenir cette division/ cloisonnement entre le M20F , les forces qui le soutiennent et les larges masses. Que celle-ci rentrent à leur tour en action et la faiblesse stratégique du pouvoir se révélera au grand jour…Reste que nous devons nous interroger à la fois sur les faiblesses internes de la mobilisation actuelle mais aussi sur les perspectives politiques posées par la lutte démocratique et du rôle dans ce contexte de la gauche radicale.
Acquis et limites du M20F
Dans le M20F La forme adoptée est celle de l’organisation de manifestations de masses dans laquelle les organisations n’apparaissent pas en tant que telle. Ce choix pouvait au début répondre à la peur d’une instrumentalisation par une fraction de la jeunesse mobilisée, qui cultive une défiance, souvent pour de bonnes raisons, par rapports aux partis, syndicats. . Il pouvait aussi signifier la recherche d’une unité pluraliste autour de revendications immédiates et encourager sur cette base la participation de citoyens sans partis. Il s’agissait aussi peut être d’éviter une concurrence entre organisations qui auraient eu un effet destructeur sur la dynamique de la mobilisation. Mais sur la durée, il apparait que cette forme non seulement a atteint des limites mais produit l’effet inverse. Cette forme de structuration a été un facteur limitant l’intégration et la participation en tant que telle, des organisations sociales militantes et n’a pas débouché sur la construction d’un front social et d’une convergence des luttes. Certes, des militants divers et variés participent, des structures apportent leur soutien mais du point du vue de la physionomie générale, il n’y a pas eu d’élaborations de plateformes et campagnes communes. Le soutien n’est pas la convergence. Certes Le M20F a créer un climat général favorable à l’extension des mobilisations et des revendications dans différents secteurs de la société et soufflé un état d’esprit plus combatif, mais il n’a pu aider à la consolidation de luttes communes, au-delà de la solidarité de principe. En réalité, il y a depuis plusieurs semaines une multitude de luttes qui se réclament à un degré ou un autre de l’esprit du 20F mais qui ne sont pas dans le M20F. On voit bien que la jeunesse scolarisée, le jeunesse enchomagée, des secteurs des travailleurs en lutte, ne font pas le lien et ne sont pas partie prenante de la mobilisation démocratique. L’existence d’un comité national de soutien ( relayé par des comités locaux ) représente un cartel d’organisations qui est beaucoup plus un champ clos de manœuvres tactiques tout juste capable de soutenir des dates de mobilisations sur la base de compromis et de revendications immédiates qu’un cadre d’extension, d’auto organisation et de convergences des luttes. La forme de structuration adoptée aussi bien du comité que le M20F rend difficile la confrontation ouverte, transparente des points de vue sur les conditions et les possibilités d’un changement des rapports de forces et pour dire clairement les choses, d’un soulèvement populaire général.. Elle ne permet pas malgré des journées d’action nationale d’avancer vers la construction d’un rapport de force qui ne soit pas seulement l’addition d’initiatives locales. Et plus problématique encore, la plupart des courants existants sont hostiles ou indifférents à la construction d’organes de luttes de masse à la base, capables d’assurer une participation populaire large, au-delà des journées d’action. La plateforme adoptée, qui contient des revendications dans l’ensemble correcte, devient un socle figé qui limite la maturation politique du mouvement et ne permet pas , au-delà des slogans généraux, de poser dans la lutte, une articulation étroite entre les revendications sociales et démocratiques et de servir de levier concret à une convergence des luttes.
 La gauche politique et syndicale sur la défensive
Paradoxalement, la gauche radicale qui voit s’ouvrir un espace politique correspondant à son combat social et démocratique se trouve mise en difficulté et n’apparait pas comme un pole référent crédible dans la mobilisation. Non seulement une convergence politique avec les nouvelles générations qui se radicalisent n’est pas assurée à une échelle de masse mais elle peine à définir, sans parler de leur mise en œuvre, des taches qui assurent :  l’organisation à la base d’un large courant démocratique populaire radical au cœur de la mobilisation  à mettre en œuvre une politique d’extension et de généralisation de la mobilisation à même de changer qualitativement les rapports de forces et de rendre crédible la perspective d’un affrontement global. L’espace politique du M20F semble borné entre le bloc des courants réformistes et libéraux d’une part et le courant islamiste d’autre part, sans que pour autant une base importante des manifestants ne se retrouvent dans ce périmètre et sans que la gauche radicale en bénéficie. . Les raisons en sont multiples et doivent être discutés collectivement. Nous en citerons quelques unes : Les composantes les plus structurés de la gauche radicale ont eu tendance à considérer le M20F comme le probable catalyseur d’une poussée révolutionnaire de masse, comme un mouvement, qui sur la base des ses revendications immédiates et de sa propre dynamique, pouvait coaguler autour de lui, l’essentiel des masses populaires. A condition que ce mouvement conserve sa détermination et son unité. Sur la durée cette approche s’avère fausse. Certes le M20F a pu impulser des mobilisations populaires sans commune mesure par rapport au passé, mais tant la nature de ses revendications, de ses formes d’action, que d’organisation, ne lui permette de franchir un seuil qualitatif dans l’accumulation des forces. La principale limite est liée, à cette étape, à l’absence d’une dynamique de convergence avec les secteurs en luttes qui se développe sur de multiples fronts et d’une articulation avec le mouvement syndical. Sur ce dernier point, si il y a une leçon des révolutions tunisiennes et égyptiennes à prendre en considération, c’est le fait que la gauche radicale, a passé les lignes rouges des équilibres bureaucratiques d’appareil, y compris sur la base de grèves générales régionales et contribuer à organiser d’une manière décisive , sur le plan national, le mouvement populaire ( Tunisie ). En Egypte, les travailleurs, avec l’aide des militants ouvriers, ont impulsé à la base des grèves massives avec l’objectif d’une grève générale, en contournant l’appareil bureaucratique et en forgeant dans la lutte, leurs propres structures de coordination indépendantes. Dans les deux cas, à partir de processus différents, l’entrée en lutte des travailleurs a été un des éléments déterminants dans l’isolement du pouvoir et la chute du dictateur et le rôle de la gauche radicale, malgré des forces limitées, extrêmement important.. Si les medias ont beaucoup insisté sur les manifestations populaires massives, leur fixation à la place Tahrir ou la place de la casbah, c’est en réalité la combinaison de l’occupation de la rue par le peuple et le blocage économique en raison des grèves et des manifestations qui a déplacé le centre de gravité des rapports de force et donnait une légitimité et une force sociale et démocratique à la contestation populaire. Au Maroc, ce qui est inquiétant, ce n’est pas la position des directions bureaucratiques qui cherchent à imposer la paix sociale et une dépolitisation des revendications. Ce n’est pas le fait qu’elles soutiennent le projet royal de reforme constitutionnelle et y apportent leurs contributions. Ou qu’elles signent un accord à la veille du 1 er mai sur le dos des travailleurs. Tout cela ne peut étonner que ceux qui croyaient que le congrès de l’UMT a été une réussite et un point d’appui pour l’avancée de la cause des travailleurs ou qu’Amaoui peut être un allié du combat démocratique. Ce qui est inquiétant est que la GR, du moins celle qui a un poids dans les organisations syndicales, ne cherche pas à organiser la confrontation avec la bureaucratie au-delà des communiqués timides, des soutiens de principes au M20F et de la participation parfois à ses marches. En réalité, la stratégie dominante est d’essayer de faire pression sur la bureaucratie pour qu’elle vire le plus « à gauche », ou au mieux ne s’oppose pas frontalement à la mobilisation mais non pas à forger une direction de lutte indépendante. Quitte à ce que des équipes syndicales combatives soient sacrifiées ou isolés sans aucune réaction, que les reports de grèves générales soient banalisés avec encore moins de réactions, que les luttes qui se développent ne trouvent aucun appui pour leur coordination et généralisation, et se heurtent à la réalité des équilibres d’appareil. En réalité, le souffle du 20 février ne semble pas induire un changement dans les tactiques de travail syndical. Cette orientation devient un obstacle plus aigue dans cette situation d’accélération des luttes et éloigne les travailleurs du combat démocratique au lieu de les y encourager. Or l’enjeu est de faire des mobilisations démocratiques en cours le levier pour reprendre l’offensive sur le terrain social, pour mettre en avant les revendications urgentes et immédiates des exploités. Certes, on trouve dans les slogans, les communiqués, les revendications portées, l’ébauche d’une telle articulation mais elle ne peut devenir une force matérielle que si s’impliquent les équipes syndicales et les bases ouvrières dans la lutte démocratique en lui donnant un contenu social. La rencontre du mouvement social et démocratique portée par la jeunesse populaire et de parties significatives du mouvement syndical sera un élément décisif dans la construction du rapport de force et de l’élargissement de la mobilisation. Et cela ne peut se faire que contre et indépendamment de ses directions conciliatrices. C’est y compris la possibilité de cette rencontre qui fera pression sur les sommets bureaucratiques et qui ouvrira un espace plus important aux courants combatifs... La bataille sur les salaires, les conditions de travail, la titularisation des précaires, l’arrêt des licenciements, l’élargissement de la protection sociale, la satisfaction des droits sociaux, les libertés syndicale, l’arrêt de la répression, la démission des administrateurs corrompus, la défense des droits et libertés démocratiques donnera une impulsion majeure à la lutte des classes et permettra le développement des revendications sociales et démocratiques à un niveau supérieur de l’ensemble des masses populaires. Mais ce n’est pas le M20F qui peut se substituer à la tache de construction d’une opposition intersyndicale, déterminée, coordonnée nationalement, s’affirmant publiquement et qui permette cette jonction. Et ce n’est pas le M20F qui peut par lui-même, modifier de l’extérieur le rapport de force interne face aux bureaucraties. La gauche radicale, au moins celle dont en parle, se prive en réalité de sa propre base potentielle et des forces qui peuvent transformer qualitativement la situation.
L’unité pour quoi faire ?
Le deuxième élément problématique de l’orientation dominante au sein de la GR tient à la conception de l’unité mise en œuvre. Nul ne peut nier la nécessité de l’unité sans laquelle aucune mobilisation de masse et durable ne peut exister. Nul ne peut nier que la plateforme du M20f contient des revendications immédiates qui peuvent servir de levier à une action commune. Mais en réalité, cette unité est purement artificielle et ne repose sur aucun accord politique réel, pas même en réalité sur les revendications et vise seulement à assurer des marges de manœuvres tactiques aux différentes composantes. Elle s’oppose paradoxalement au débat démocratique transparent sur les taches du mouvement. Alors que l’offensive du pouvoir d’un coté, la multiplication des luttes de l’autre, appellent à un armement politique pour face à des défis complexes dans une situation mouvante, « l’unité » pour les uns, « l’indépendance » pour les autres, (qui sont des aspirations réelles à la base) sert de couverture à des choix politiques et tactiques qui ne sont ni « unitaires », ni « indépendants » et servent en réalité à imposer une autolimitation politique au mouvement. Au non de l’unité et du soutien à cette unité, les appareils et organisations gardent la maitrise du mouvement sans chercher en quoi que ce soit, si ce n’est d’une manière purement formelle, et marginale, à développer l’auto organisation à la base, à promouvoir des comités d’actions populaires enracinés. Au non de l’unité, la question de l’unification des luttes, le combat contre les bureaucraties syndicales n’est pas posé comme une tache politique pratique et centrale pour l’activité des révolutionnaires Au nom de l’unité et du consensus pour éviter l’affaiblissement du mouvement, des parties de la gauche radicale ne défendent pas leur propre drapeau ou alors partiellement et d’une manière extérieure au mouvement. Elle n’explique à aucun moment que seul un soulèvement populaire général articulé à des mouvements de grèves reconductibles est à même d’imposer les revendications élémentaires du M20F ;( en espérant une auto radicalisation et un grossissement spontané de la mobilisation ? Ou seulement parce que l’objectif est d’arracher quelques acquis ? Ou parce qu’il n’y a pas de volonté claire de préparer l’affrontement social et politique jusqu’au bout ? ). Elles tombent dans l’illusion de défense d’une assemblée constituante sans préciser ses conditions politiques : celle d’une chute du régime et de l’avènement d’un gouvernement démocratique, populaire issue et lié aux mobilisations révolutionnaires et démocratiques des masses. Elles n’expliquent à aucun moment comment il est possible de changer le rapport de force sur le terrain des mobilisations, au-delà même de la défense de tel ou tel mot d’ordre. Pour éviter un faux débat, nous ne disons pas que le M20f doit adopter une plateforme révolutionnaire ou se mettre sous la direction des révolutionnaires. Mais dans ce mouvement pluraliste où coexistent des projets différents et contradictoires sur le terrain politique, il faut à notre avis défendre fermement et loyalement, c’est-à-dire sans chercher à affaiblir le mouvement ou lui imposer de l’extérieur des positions qui ne sont pas les siennes, une politique d’indépendance de classe. Et sur cette base, regrouper le plus largement possible sur une perspective de rupture démocratique et sociale. Il s’agit de mener une lutte pour préserver l’indépendance de ce mouvement par rapport aux partis gouvernementaux et bureaucraties inféodés au régime mais aussi de se délimiter par rapport aux courants réformistes, libéraux et islamistes dont l’objectif n’est pas l’affrontement avec le pouvoir et encore moins un changement révolutionnaire de la société.
Face aux réformistes et islamistes
Beaucoup de camarades dans la gauche radicale ont l’impression que l’unité avec ces forces est imposée par la situation et correspond à des coordinations techniques qui permettent d’organiser et de rythmer la mobilisation, tout en lui assurant une assise de masse. Comme si toutes les forces engagées ne portaient pas des projets différents pas seulement sur le terrain stratégique mais aussi dans la compréhension du rôle du M20F et de ses taches immédiates. Comme si sur le terrain de la lutte politique, il est possible d’avoir des coordinations qui soient seulement techniques. Prenons les deux principales forces qui sont engagées dans la mobilisation :  Du coté des directions des forces réformistes autour du PSU et ses alliés : l’enjeu vise à contrôler la dynamique du mouvement de masse en la focalisant sur des exigences de simple reforme constitutionnelle pour imposer une « ouverture politique » du pouvoir sans crise politique majeure. Ces forces, si elles soutiennent la mobilisation, sont radicalement opposées à l’extension populaire du mouvement et à ce qu’il acquiert une dynamique propre. Elles cherchent à reconstruire sur une base plus large, un « bloc démocratique » qui améliore les conditions de participation à un processus démocratique renouvelé. Tout en revendiquant leur accord avec les revendications du mouvement, elles n’en tirent pas des conséquences pratiques. Ainsi, malgré l’exigence centrale de la dissolution du parlement, l’alliance de la gauche démocratique refuse de retirer ses élus, alors qu’une telle décision donnerait un appui politique au mouvement. Elles avaient, par ailleurs, accueilli positivement le dernier discours royal, seule la répression qui s’en est suivie et la décision du mouvement du 20 février de continuer la lutte, les contraignent à se positionner différemment. Une partie même de ces courants participent au comité de consultation sur la reforme constitutionnelle avant de le quitter récemment.. Elles visent à établir un arc de force allant des réformistes aux bureaucraties syndicales se présentant comme le correspondant politique et électoral du M20F. Et contrairement à l’illusion répandue, la monarchie parlementaire qu’ils défendent est celle d’un rééquilibrage partiel du pouvoir entre les partis et la monarchie sans que celle-ci cesse de régner …et de gouverner.  Du coté du courant islamiste : Al Adl a appris des révolutions tunisiennes et égyptiennes. Là bas, les courants islamistes ont été surpris et absolument pas préparés pour intervenir dans des mobilisations populaires dont le caractère n’était pas religieux mais social et démocratique. Ils ont eu une attitude conciliatrice au-delà des discours contradictoires aussi bien avec la dictature que les gouvernements de la contre révolution qui lui ont succédé. Al Adl a fait le choix de soutenir dés le début le mouvement du 20 février à partir de trois préoccupations tactiques : apparaitre comme une composante naturelle du mouvement démocratique général, donner l’assurance d’une volonté non hégémonique, accompagner les revendications du mouvement à cette phase. Ce positionnement tactique relève d’une vraie intelligence stratégique : ne pas être isolé, construire une légitimité populaire qui va au-delà de sa base de masse actuelle, être en meilleur position pour disputer en cas d’accélération, la direction politique de la lutte actuelle. Ce mouvement n’a pas changé de nature politique et contrairement à la Tunisie et l’Egypte, n’a pas été déstructuré par la répression et il conserve des capacités de mobilisation homogènes et une unité politique qui se fait déjà sentir. On ne peut que noter de l’investissement de sa jeunesse au début, on est passé à une mobilisation de l’ensemble du courant. Derrière une apparente adhésion aux objectifs revendicatifs du M20F, Al Adl structure ses propres cortèges, impose la non mixité, mène un travail de construction de ses propres cadres de masse et sans se contenter du M20F, développe des initiatives et actions indépendantes. En réalité, ce sont les forces les plus organisées, les plus disciplinées, les plus dotés de moyens matériels, qui vertebrent de plus en plus la mobilisation et en l’occurrence Al Adl. Ses concessions tactiques autour de l’exigence d’un Etat civil ou les références de sa porte parole au modèle turc ne doivent pas faire illusion. Un Etat civil n’est pas un Etat démocratique et laïque. Et le modèle turc n’est rien d’autre que la façade démocratique et civil d’une dictature militaire. Le parti islamiste au gouvernement mène une guerre ouverte contre les droits des femmes, imposent un libéralisme sauvage, emprisonne la gauche, massacre les kurdes et imposent une islamisation des mœurs. Et défend les intérêts de l’impérialisme et de l’Otan. En réalité la référence à l’Etat civil et à la Turquie est un message à la fois sur le plan interne et à destination des puissances impérialistes : nous sommes un courant modéré et moderniste qui peut prendre la relève du pouvoir actuel si il venait à s’effondrer…. Nul ne peut non plus ignorer l’évolution des courants de l’islam politique, y compris de leurs fanges radicales, qui se sont adaptés aux évolutions des rapports de forces mondiaux. Ni ignorer les réajustements de l’impérialisme qui voit aujourd’hui dans ces courants, la possibilité de contenir le processus révolutionnaire en Egypte et en Tunisie et au delà et de résoudre les crises des régimes politiques par une démocratie électorale maitrisée qui leur assure un espace politique conséquent. La question n’est pas tant de savoir si le discours de ADL est hypocrite que de comprendre que leur projet est contradictoire dans son essence, point par point, avec le combat de la gauche radicale. Beaucoup de camarades dans la GR nous expliquent que la plateforme du M20F est clair et que si elle est contradictoire avec le vrai projet politique de Al Adl, c’est à lui d’assumer ses propres contradictions. C’est une approche naïve, Al Adl peut défendre n’importe quelle cause si cela sert ses intérêts stratégiques et lui permet de maintenir et élargir son lien aux masses. D’autres camarades et parfois les mêmes, nous expliquent qu’Al Adl est un mouvement traversé par des contradictions de classes qui ouvrent la possibilité d’oppositions internes et de l’émergence en son sein d’un courant démocratique. Ce n’est pourtant pas les exemples qui manquent dans l’histoire et pas seulement celles des mouvements fascistes et populistes, où on a vu des mouvements populaires interclassistes cimentés par une idéologie et un programme politique réactionnaires. D’autres nous expliquent que cette unité permettra de s’adresser à la base de Al Adl. Terrible illusion de croire que l’unité permettra cela à plus forte raison dans le cadre des rapports de forces globaux entre ce mouvement et la gauche radicale dans la société. Et à plus forte raison lorsque la gauche radicale ne défend pas son propre programme et n’apparait pas comme une direction politique plus conséquente. Il ne s’agit pas évidemment de diaboliser Al Adl et encore moins sa base ou d’en faire l’ennemi principal, mais le défi qui nous est posé est bien d’affirmer une orientation indépendante, de classe qui ne transige pas sur les principes et nos objectifs fondamentaux. Non pas par pureté révolutionnaire ou au non d’une vision doctrinaire mais parce que nous ne défendons pas concrètement les mêmes intérêts de classes, ni les mêmes perspectives politiques que certaines forces dont l’horizon est une rupture partielle, un compromis ou un changement plus profond de la forme du régime politique mais qui ne visent pas à démanteler à la racine l’Etat bourgeois et encore moins à changer radicalement les rapports sociaux. Nous ne considérons pas les forces engagées dans la mobilisation comme l’adversaire principal. Mais autre chose est de dire que l’ennemi de mon ennemi est mon ami ou de penser qu’une série de courants politiques inféodés au régime peuvent se détacher de lui ou que les courants réformistes et bureaucratiques vont se radicaliser sous la pression populaire. Non pas que la pression populaire ne crée pas des pressions contradictoires, voire même de possibilités de radicalisations de militants à la base mais fondamentalement le courant libéral makhzenien, bureaucratique et réformiste ne peut accepter une pression démocratique qui se développe/ évolue en mouvement révolutionnaire et le courant islamiste ne peut accepter l’affirmation d’un mouvement populaire qui se développe sur des bases de classes. Tout comme il est radicalement faux de penser que l’isolement du régime viendra principalement ou d’une maniéré déterminante de la possibilité que les forces de l’opposition traditionnelle gouvernementale et parlementaire rompent avec les différentes variétés de compromis et de compromission qu’elles ont tissées avec le régime…et non pas d’une poussée révolutionnaire du mouvement de masse. Or, autant une unité peut être nécessaire sur des revendications partielles même à partir d’objectif stratégiques et programmatiques différents, autant notre conception de l’unité n’implique pas l’abandon de batailles spécifiques pour renforcer l’influence du courant révolutionnaire et l’hégémonie d’une alternative ouvrière, populaire, anticapitaliste. L’unité ne peut s’opposer à l’indépendance et à la radicalité nécessaire. Car, il y a une lutte engagée, très réelle, pour la direction politique du processus actuel.
Pour une politique indépendante
Or dans le cadre des mobilisations actuelles, des secteurs de la gauche radicale, n’ont pas une politique globale, cohérente, qui vise à articuler unité et indépendance, soutien au M20f et politique en direction des travailleurs et des classes populaires, tactiques envers les organisations et processus d’auto organisation, unité d’action sur des revendications immédiates et défense d’une perspective révolutionnaire impliquant une lutte sans concessions par rapports aux autres orientations de classes, souci de l’indépendance de la jeunesse mobilisée et construction d’un courant large démocratique radical. Si comme, la question de l’indépendance politique de classe et la bataille pour la construction d’une direction politique ferme des luttes des exploités et des classes populaires n’avait pas lieu d’être dans le cadre de cette bataille démocratique, dans le cadre du mouvement et de la mobilisation actuelle. Pourtant le rôle de la gauche radicale n’est pas d’effacer la contradiction fondamentale au nom de la contradiction principale, mais d’avoir une politique propre qui encourage le développement de la lutte des classes, l’affirmation d’un mouvement ouvrier qui lutte pour ses propres intérêts, la mobilisation politique large sur une perspective d’affrontement de masse avec le pouvoir, la défense d’un programme social et démocratique de rupture. Et bien entendu, sur cette base, mener l’ensemble des batailles pour gagner cette nouvelle génération radicalisée et les secteurs populaires à un projet de rupture démocratique, populaire, anticapitaliste. Sans doute, il n’y a pas de réponses simples ou magiques sur la meilleur manière de mener une politique de contestation radicale, visant non pas à faire du témoignage mais à changer en profondeur les rapports de forces et tous les courants radicaux ont leurs limites et contradictions. Mais il y a dans cette conjoncture politique, une différence qualitative entre les courants et sensibilités qui veulent maintenir une expression réellement indépendante tout en maintenant une orientation de masse et les courants qui, au non de « l’unité » de « l’indépendance » ou des « objectifs de l’étape », ne mènent pas des batailles organisées pour la direction politique du mouvement et son enracinement dans une perspective d’affrontement. Dans le premier cas, même à contre-courant, des sensibilités diverses, allant de militants de l’UNEM à Fès, Tanger et dans une série de villes, en particulier des secteurs de la voie démocratique basiste, des militants de l’andcm, des militants marxistes révolutionnaires ; les camarades de solidarité pour une alternative socialiste et au delà nombre de militants de la gauche radicale organisés ou non, défendent, par des voies différentes, cette orientation. Et elles méritent, au-delà de ses limites, qu’il faudra bien sur discuter, une attention réelle, loin de toute caricature. L’enjeu n’est pas la défense d’une boutique mais l’impulsion d’un débat qui concerne tous ceux qui se réclament d’une politique d’émancipation. Nous sommes dans une conjoncture politique et historique où il est possible de défaire l’ennemi mais cette possibilité repose d’abord sur la clarté des alliances, des programmes et des taches dans l’ensemble des luttes en préservant une indépendance. Et la conviction qu’il est possible de faire face à l’adversaire et au courant révolutionnaire d’opérer une percée qualitative s’il est capable d’être à l’offensive. A condition que e la flexibilité tactique ne signifie pas moins de fermeté stratégique et où la stratégie ne se résument pas à une somme de tactiques.
Se préparer à l’affrontement
L’argument parfois avancé est que ce mouvement est seulement dans une phase de consolidation d’expériences et qu’il n’a pas épuisé ses potentialités et qu’il ne s’agit pas dans ce cadre d’être cent pas en avant ou de mener des formes d’action qui favorisent la répression de masse au risque de faire reculer et avorter la mobilisation. .la question de ce point de vue, non réglée, est à la fois la consolidation du mouvement de la jeunesse et de ses connections avec le mouvement populaire dans un contexte où le pouvoir mène maintenant une guerre ouverte et larvée contre les masses.. La seule manière de faire face à sa stratégie dans le cadre d’un rapport de force encore inégal repose sur deux éléments : la naissance et l’extension de comités d’action populaires qui permette aux secteurs populaires et à la jeunesse d’agir et préparer la lutte, De ce point de vue le cadre de structuration de la mobilisation populaire doit être souple, ouvert, dynamique, s’appuyant directement sur la base et inscrit dans les lieux de proximité de la vie quotidienne, là où vivent et se rassemblent et peuvent agir les révolutionnaires d’aujourd’hui et de demain : les quartiers populaires, les lycées, les universités, les entreprises. Cela implique une vision plus large des modalités de construction de la participation populaire qui aille au-delà du cartel des organisations. Le processus doit créer ses propres organes de luttes de masse à la base, non par défiance mais comme condition d’entrée dans la lutte de nouvelles couches dans une résistance quotidienne .Seul un mouvement de masse conséquent est capable de défier l’appareil sécuritaire en opposant sa force collective au-delà des succès momentanés de la répression. Le pouvoir a une maitrise sécuritaire de l’espace public pour une raison simple : la fixation des lieux de rassemblement et de manifestation en un lieu précis qui lui permet de concentrer les forces nécessaires. Dans les formes de protestations adoptées jusqu’ici, on livre toute la possibilité aux forces de répression d’agir à leur guise et à partir de leur propre agenda. C’est cette mécanique qu’il faut briser. Si il y a une expérience des révolutions tunisiennes et égyptiennes, elle tient dans la capacité du mouvement de masse a disperser les forces de répression parce que la contestation était mobile, multiple, volontairement dispersé tout en visant à atteindre un objectif géographique commun, contraignant l’appareil sécuritaire à disperser ses forces. Il ne s’agit pas de fixer des manifestations, déclarés ou non d’ailleurs, à partir de dynamiques minoritaires divisant le mouvement de masse en des cortèges peu nombreux, mais de multiplier les rassemblements/ manifestation de masse. C’est pourquoi une telle possibilité est conditionnée non par des facteurs techniques ou organisationnels mais par le niveau atteint par la mobilisation et cette question rejoint des points précédents : l’ouverture des fronts de lutte sur différentes questions, la convergence des secteurs mobilisés, l’intégration des associations militantes en tant que telle dans le mouvement, l’enracinement de comités populaires qui rythment et élargissent dans le quotidien la mobilisation, l’articulation des initiatives centralisées avec l’extension des formes et lieux de mobilisation. Et bien entendu la mobilisation des travailleurs et un changement radical des tactiques syndicales pour donner corps à une contestation ouvrière active. Le pouvoir peut réprimer des rassemblements et des manifestations mais il aura plus de mal à emporter des succès si des grèves actives se multiplient, si la contestation part de plusieurs quartiers populaires, si elle se déploie dans les lycées et les universités, si elle s’étend, d’une manière organisé et coordonnée, en plusieurs points de la ville, et à plus forte raison dans tout le pays. C’est à ces conditions que la rue peut être réapproprié par le peuple et non pas le makhzen. Quitte à dépasser les « blocages unitaires » et l’unanimisme de façade.
Il nous semble urgent :   D’impulser une conférence nationale syndicale regroupant tous ceux qui refusent les accords signés par la bureaucratie syndicale et veulent mener une politique visant à défendre les intérêts des travailleurs et aider à ce que ces derniers investissent le combat démocratique à partir de leurs propres aspirations.   De lutter pour la construction d’un front de lutte, impliquant les mouvements sociaux nationaux et locaux, non pas en opposition au M20F mais comme élément d’extension et de coordination des mobilisations sociales et démocratiques pour construire une base plus large à la contestation populaire et permettant en particulier l’intervention de la jeunesse scolarisée, enchomagée et des travailleurs dans la lutte   De réfléchir et d’intervenir collectivement sur la structuration démocratique du Mouvement en visant en premier lieu à stimuler le processus d’auto organisation populaire et de la jeunesse.   D’élaborer une plateforme politique immédiate des courants révolutionnaires qui permette une intervention commune dans les mobilisations à partir d’une politique d’unité d’action et d’indépendance de classe en vue développer une politique d’affrontement de masse avec le pouvoir : aucune revendication du M20F, aucune revendication des travailleurs en lutte ne peut être satisfaite réellement et durablement sans le renversement du pouvoir. Aucune revendication du M20F, aucune revendication des travailleurs et classes populaires ne peut être obtenus sans leur mobilisation massive, collective et déterminée
Par : AMIN NASSER
 10 juillet 2011
 afriquesenlutte.org

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